Le chassis de 2,40 x 1,50 a été réalisé avec du bois de récupération à l’atelier bois de Récobrada. La toile sera du drap de lit, lieu, s’il en est, du songe, du rêve, de l’insondable sommeil du voyageur immobile.
« “on the road again” est une installation poétique convoquant nos souvenirs, notre mémoire emmêlée, une sorte de ritournelle des voyages en automobile.
La résidence se déroule dans un garage en activité. Je n’ai pas de voiture, je ne conduis pas, et je ne l’aime pas particulièrement, écologiste dans l’âme, j’ai tendance à m’en détourner. Pour autant, mon passage au garage Portet ravive mes souvenirs d’enfance, où se mélangent paysages pluvieux et huile de moteur, les refrains en boucle du garagiste et les chansons ensorcelantes de l’auto-radio, les terres parcourues, les textures, l’ailleurs.
C’est donc dans une grande rêverie que je conçois cette exposition.
Un vieux drap en guise de toile tendu sur un châssis fait de bois réutilisé et usiné à l’atelier bois de Récobrada. Drap du lit, lieu du rêve, réceptacle des fantasmagories. Je réalise ensuite une peinture à l’huile de vidange trouvée sur place, qui vient construire un paysage, un de ceux que je vois défiler enfant, quand je regarde le ciel par la vitre de la voiture.
Jour après jour, l’huile se diffuse et s’éclaircit, à l’image du souvenir ou des gouttes d’eau qui viennent brouiller le paysage.
Au sol, comme un écho aux traces de pneus dans la boue, les bandes de plâtres, celles utilisées dans le soin des fractures de membres, dans ce contexte de l’indispensable réparation qu’est le garage, viennent prendre l’empreinte du paysage, réparer quelque chose de l’ordre de l’oubli, cassure momentanée entre un réel vécu et un présent qui s’en éloigne, et l’installer en vitrine. Les bandes de plâtre ont été posées sur un tronc d’arbre, des imperfections du sol, des gravillons, des traces d’usages, de circulation et de mouvements. Une des empreintes de tronc a pris corps en enveloppant une tranche de bidon d’huile découpée avec l’aide de Mr Portet, le garagiste. La rouille, petit à petit, se fraie un chemin à travers le plâtre. A l’image de l’huile de vidange qui continue à être en mouvement après mon intervention, la rouille viendra tacheter le plâtre au fil du temps.
La vitrine, peinte au blanc de Meudon, laisse apparaître en pochoir les mots de la chanson “On the road again”, partition en creux qui vient se projeter en lettres de lumière à l’intérieur, sur le reste de l’installation, lorsque la nuit tombe.
Enfin, à l’intérieur de la galerie, se diffuse une « bande » son où les seuls mots “on the road again” désolidarisés du reste des textes, et issus de 7 chansons différentes, tournent en boucle, comme un disque rayé, mêlant blues, rock et chansons populaires », là encore, l’expression, on the road again, vient réparer, réassembler les cassures spatiales des déplacements, des départs, des voyages répétés. »
Océane Moussé et Carl Hurtin
Focus au Garage Portet
La crise sanitaire nous a imposé l’idée que, lors des confinements à répétition, il nous fallait aussi continuer les rencontres avec les artistes et proposer des expositions visibles depuis l’espace public.
Le garage Portet à Palaminy est un lieu privé mais un espace offert aux « clients » qui deviennent le « public » d’une exposition.
Une grande vitrine qui fait échange puisque l’intérieur est visible de l’extérieur. Vitrine qui fait écran puisque l’artiste peut y intervenir et jouer d’un dialogue entre les espaces, y compris l’espace public qui peut être investi par l’artiste. Un espace pour le temps aussi. Le temps pour l’artiste de concevoir, le temps du repenti, le temps pour l’artiste de penser son travail avec le lieu, le temps bousculé aussi et le temps traversé, le temps de la résidence, passé à être présent.